Numéro 13
Juin 2004
Zoom
microfinance
Introduction
La publication récente d'un article portant sur la micro
finance et les plus pauvres dans le bulletin de la banque asiatique
de développement (1) nous a amené à l'idée de croiser cette ana-
lyse avec l'expérience concrète d'une vingtaine de partenaires de
MICROFINANCE ET
SOS FAIM répartis en Afrique et en Amérique Latine. C'est donc
EXTREME PAUVRETE
l'objet de cette livraison de Zoom microfinance.
Sommaire
Positions
Trois approches s'opposent en réalité
de Nimal Fernando
quand on aborde cette question:
ceux qui estiment que la microfi-
Positions de Nimal Fernando
Le rôle positif de la micro finance
nance ne peut pas toucher les plus
Thèses en présence
dans les efforts mondiaux de réduc-
pauvres de manière durable;
tion de l'extrême pauvreté revient
ceux qui au contraire estiment que
Les approches en discussion
régulièrement dans les publications,
c'est possible et à grande échelle;
parfois comme un crédo que l'on pro-
enfin, une voix intermédiaire qui
Expériences du terrain
nonce.
reconnaît que ce n'est pas évident
Les groupes cibles
mais que la recherche d'innovations
De plus en plus, des doutes sont
pour renforcer les services de micro
Le niveau de vie
exprimés sur le fait que les systèmes
finance (3) aux plus pauvres doit être
Les relations clients/produits
microfinanciers touchent réellement
maintenue.
financiers
la population qui vit dans une pau-
Après la "réussite"
vreté extrême que l'on peut définir
Pour les premiers, la demande
comme étant à 50% sous la ligne de
n'existe pas réellement: des familles
pauvreté.
extrêmement pauvres vivant dans de
Pour conclure
petites communautés isolées sans
í Thèses en présence
infrastructure de base, ni marchés
En 2003, le CGAP (2) constatait que la
n'ont pas l'usage d'un crédit d'une
majorité des clients de la micro
façon telle que cela leur permettra de
finance se situaient en réalité aux
rembourser à la fois le capital et les
alentours de cette ligne de pauvreté.
intérêts. Ces populations ont en réa-
lité besoin d'autres interventions qui
ne sont pas du ressort du système
1 "Microfinance outreach to the poorest: a
(micro) financier. (4)
realistic objective?", Nimal A. Fernando, ADB
Finance for the poor, mars 2004, volume 5,
numéro 1.
L'autre "camp" a une vision opposée:
2 Consultative Group to Assist the Poor (CGAP),
2003, The Impact of Microfinance. Donor brief
elle estime qu'il y a une forte demande
n° 13, Washington DC.
de services financiers, en particulier
3 Micro finance s'entend au sens large: crédit,
épargne, assurance et transferts de fonds
de micro crédits, de la part des plus
notamment.
4 Robinson, 2001, The microfinance revolution,
Washington DC, The World Bank.

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pauvres; une preuve en est que les plus leurs services risque d'être inaccessible aux
pauvres dépendent beaucoup de sources plus pauvres. En outre, la théorie qui affirme
informelles de financement (usuriers). Dans que pour le pauvre le taux d'intérêt n'est pas
ce contexte, si les institutions de micro une variable importante, n'est pas nécessai-
Zoom
finance et les bailleurs de fonds décident de rement d'application avec les plus pauvres.
se focaliser sur les plus pauvres, il n'y aura
aucune difficulté pour augmenter rapide- De quoi a-t'on besoin dès lors pour étendre
ment le ciblage vers les plus défavorisés.
les services aux plus pauvres?
Un point de vue intermédiaire considère que Aucun consensus n'existe à ce sujet. Ceux qui
les plus pauvres peuvent bénéficier de ser- croient que les plus pauvres peuvent être tou-
microfinance vices de micro finance à condition que l'on chés massivement évoquent plutôt la faible
continue à développer des modèles innova- disponibilité des fonds. Les tenants de la voie
teurs pour les toucher. Il soutient également intermédiaire ont plutôt tendance à privilé-
que les subsides ont un rôle important à gier le renforcement des infrastructures phy-
jouer dans le développement de mécanismes siques et sociales, la consolidation des
durables pour toucher les plus pauvres.
institutions engagées vers les plus démunis et
la mise en oeuvre d'approches innovantes.
í Les approches en discussion
L'affirmation qu'il n'y a pas de demande A ce stade, il est indispensable de souligner
effective des plus pauvres ne semble pas réa- que la disponibilité de fonds pour l'octroi de
liste. L'expérience de certains systèmes de crédits n'implique en rien que leur distribu-
micro finance comme BRAC (5) ou ASA (6) au tion et leur recouvrement soient efficients.
Bangladesh démontre le contraire. En parti- La construction et le renforcement d'institu-
culier, la demande pour déposer une épargne tions durables semblent donc une condition
de façon sécurisée existe. Selon des enquêtes absolue. Comme le montre l'expérience, des
récentes, la demande concerne des montants produits et services appropriés constituent
très faibles avec une souplesse dans les moda- également un excellent moyen d'augmenter
lités de remboursement. Ils préfèrent des cré- le pourcentage de clients très pauvres.
dits individuels, ont tendance à refuser une Mais il semble également évident que l'on ne
approche par groupes et n'apprécient pas les peut pas demander à une IMF de se concen-
réunions régulières.
trer exclusivement sur les plus pauvres. Il fau-
dra que l'IMF puisse adopter une approche
Toucher les plus pauvres coûte évidemment de diversification de ses risques (zones géo-
plus cher que toucher les pauvres. Différentes graphiques, activités socio-économiques et
raisons peuvent être avancées: le montant niveau de vie des clients) si elle veut éviter des
moyen du crédit est plus faible et le prêteur problèmes aigus de durabilité. L'IMF devra
doit donc réaliser plus de crédits pour également jouer sur son efficience: un sys-
atteindre son point d'équilibre.
tème de gestion léger et peu coûteux devrait
Le facteur de risque est également supérieur permettre d'offrir des services peu onéreux
en raison de l'environnement dans lequel ils (en particulier le taux d'intérêt des crédits)
opèrent.
accessibles non seulement aux pauvres mais
aussi aux plus pauvres. En effet, les crédits
Pour cet ensemble de raisons, les coûts d'opé- pris pas les plus pauvres ont souvent une ren-
rations des institutions de micro finance tabilité inférieure dans la mesure où, en l'ab-
(IMF) orientées vers les plus pauvres ont ten- sence d'infrastructures productives, ils sont
dance à être beaucoup plus élevés. Si ces ins- plus souvent destinés à des besoins sociaux
titutions font payer le prix coûtant, le prix de urgents.
5 Bangladesh Rural Advancement Committee
6 Association for Social Advancement

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En outre, il n'y a pas que les plus pauvres qui
les questions ne mentionnaient pas le terme
demandent des services micro financiers.
"pauvreté". Nous y avons plutôt posé les
Sans ce type de services, la catégorie des
questions selon l'angle du niveau socio-éco-
moins pauvres qui sont néanmoins vulné-
nomique de la clientèle, de la manière dont
rables pourrait également basculer dans l'ex-
l'institution le mesurait et de l'adaptation
trême pauvreté.
des produits et méthodes au type de clientèle
Zoom
existant.
Revenons un moment sur la nécessité d'ap-
proches novatrices. Recensée par le CGAP
í Les groupes cibles
en 2001(7), l'expérience de la BRAC au
Quelle est pour les partenaires de SOS Faim
Bangla Desh avec son programme de géné-
la définition leur groupe cible?
ration de revenus pour le développement de
groupes vulnérables est intéressant à plus
Les angles d'approche utilisés par le panel
microfinance
d'un titre. En 10 ans, il a touché environ un
des partenaires sont assez diversifiés.
million de femmes, combinant la distribu-
tion de céréales (par le PAM, Programme
Il y a parfois une qualification positive, par
Alimentaire Mondial), des services d'épar-
exemple quand on parle d'opérateurs micro
gne et de crédit et des formations (sur le petit
économiques actifs manifestant beaucoup
élevage, l'agriculture et le maraîchage, la
de volonté ou de dynamisme qui sont parfois
pêche et le commerce): deux tiers de ces
déjà organisés.
femmes sont sorties de la pauvreté absolue et
ne nécessitent plus d'aide du gouvernement.
Mais surtout ce sont des éléments de défini-
Et ce programme n'a coûté au total que 135
tion plutôt négatifs qui revennient:
dollars par bénéficiaire. On remarquera
l'absence d'accès au services financiers
néanmoins que pour un tiers des femmes, ce
offerts par le système bancaire classique;
programme n'a pas abouti. Cette expérience
le déficit d'accès à la terre comme capital
montre sans doute que la combinaison d'élé-
productif: plusieurs organisations quanti-
ments de sécurité (alimentaire) et de promo-
fient ainsi leur groupe cible: ceux qui ont
tion (d'activités génératrices de revenus) est
moins d'un hectare ou moins d'un demi-hec-
sans doute plus performante que des sché-
tare de terre;
mas basés uniquement sur l'assistance,
la vulnérabilité de la population visée est
même si elle ne permet pas d'affirmer que
souvent mise en avant: parmi les facteurs les
cela puisse remplacer totalement des pro-
plus souvent évoqués, on trouve le fait de se
grammes sociaux, comme le notaient Matin
trouver dans les zones rurales, le fait d'être
et Hulme en 2003.(8)
soit un jeune, soit une femme, le fait d'être
analphabète et enfin, le fait de disposer de
Expériences du terrain
revenus très limités.
Quels enseignements peut-on tirer de
«Les femmes ayant perdu ou ayant été
l'expérience des partenaires de SOS Faim
abandonnées par leur mari se retrouvent
sur ces questions?
dans une situation particulièrement vul-
nérable. On a pu observer qu'elles louent

En mars 2004, SOS Faim a adressé un ques-
leurs terres à un prix très bas car elles ne
tionnaire à une vingtaine de ses partenaires
disposent pas de boeufs de labour. Elles
africains et latino-américains. Volontaire-
font dès lors face à une plus longue
ment, pour ne pas trop orienter les réponses,
période d'insécurité alimentaire. Pour les
jeunes sans terre, la situation est au moins

7 CGAP, 2001, Linking Microfinance and Safety Programs
to Include the Poorest; the case of IGVGD in
aussi précaire. Aucune politique n'existe
Bangladesh, focus note 21, Washington DC.
8 Matin Imran and David Hulme, 2003, Programs for the
Poorest; Learning from the IGVGD Program in
Bangladesh; World Development 31 (3) 647-665

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pour attribuer des terres aux jeunes qui
crédit sera très bas. Nous leur rendons
restent dépendants de leurs familles. Ils
également visite: leur revenu mensuel ne
font donc appel aux usuriers locaux pour
peut pas excéder 35 dollars environ. Et
obtenir un capital de travail minimal per-
nous demandons systématiquement un
Zoom
mettant de développer des activités non
petit effort d'épargne préalable» (SFPI,
agricoles»(Témoignage de Buusa Gonofa Ethiopie)
en Ethiopie)

«Nous n'avons ni outils, ni personnel
Seules 25% des organisations questionnées
spécialisé pour mesurer le niveau de vie de
mentionnent explicitement la pauvreté
nos clients. Ce qui nous intéresse, c'est de
comme un élément définissant leur groupe
remplir notre mission de répondre à des
microfinance cible.
entrepreneurs venant des milieux popu-
laires, économiquement fragiles et n'ayant

í Le niveau de vie
pas accès à la banque formelle. Nous
Comment les partenaires contactés mesu-
déterminons ces trois éléments par des
rent-ils le niveau de vie de leurs clients ou
visites sur place et par une estimation du
membres et si ce niveau de vie est explicite-
niveau des ventes» (SOINTRAL, Chili)
ment défini par la mission de l'institution?
«Nous utilisons les statistiques du
La question de la mesure est également abor-
document stratégique de réduction de la
dée de différentes manières: certains parte-
pauvreté (DSRP) au niveau de chaque
naires privilégient l'utilisation des
région du Sénégal. Au niveau des familles,
statistiques officielles disponibles comme les
nous avons l'outil des bilans alimentaires
cartographies régionales de la pauvreté
et de la prise en charge des soins de santé
(FONDESURCO, Pérou).
et de l'éducation. Nous faisons un lien
direct entre notre activité de micro finance

D'autres partenaires ont développé des
et l'une de nos missions qui consiste à
outils plus empiriques et "personnalisés": le
militer pour le maintien de l'exploitation
type d'habitat, l'équipement du ménage,
familiale en tant que modèle au Sénégal».
l'accès aux soins de santé et à l'éducation , le
(FONGS, Sénégal)
revenu et les dettes et le chiffre d'affaires
familial estimé sont ainsi présentés comme
«De notre point de vue, le niveau de
des outils de mesure.
vie a une composante sociale et écono-
mique. Au niveau social, nous regardons

Ci-dessous, quatre organisations présentent
la capacité des personnes à prendre des
leur position par rapport à cette question et
décisions, à prendre le contrôle sur leur vie
font le lien avec leur identité et leur mission: finalement. Au niveau économique, nous
voyons l'accès aux biens matériels, à la
«Notre groupe cible a généralement terre, à l'habitat, la capacité économique.
un revenu inférieur à un dollar par jour.
Nous utilisons un outil qualitatif avec une
Ce sont surtout des femmes qui sont
technique participative dans des groupes
concernées. On suppose que le revenu
de discussion: les populations définissent
supplémentaire généré par le crédit béné-
elles-mêmes les différentes catégories de
ficiera directement à la famille. Et surtout
niveau de vie dans une zone donnée. Cette
aux enfants si c'est la femme qui prend le
information est recoupée avec les données
crédit! Nous avons toujours une séance de
recueillies dans les fiches de demandes de
sensibilisation avec les clientes poten-
crédits: sur ces bases, nous fixons le
tielles: nous les prévenons que le premier
niveau socio-économique d'une zone et

Page 5
í Les relations clients/produits
nous déterminons une capacité d'endette-
financiers
ment. Notre mission est précise quant au
renforcement de la position sociale des

Quelles relations les institutions de micro
clientes, d'où une très grande priorité
finance font-elles entre le profil socio-écono-
accordée aux femmes du monde rural.
mique de leurs clients et les caractéristiques
Zoom
Pour remplir notre mission de façon
des produits financiers qu'elles offrent?
durable, nous appuyons également des
catégories ayant un potentiel économique

Différentes approches apparaissent dans les
plus élevé qui nous permettent de subsi-
réponses:
dier les services aux plus démunis»
(MIDE, Pérou).

la nécessité de s'adapter à l'activité plutôt
qu'au niveau de vie:
microfinance
Les institutions de micro finance ont-elles
«Les produits et leurs caractéristiques
dès lors une vision claire du niveau de vie de
sont définis en fonction de la nature de
leur clientèle?
l'activité. Le mode de fonctionnement des
systèmes financiers décentralisés que nous

Malgré les outils statistiques ou empiriques
promouvons est basé sur des valeurs par-
évoqués ci-dessus, environ la moitié de
tagées: gestion démocratique, identité
l'échantillon répond qu'il est incapable de
rurale, participation, bonne gouver-
classer ses clients en fonction de leur niveau
nance» (FONGS, Sénégal)
de vie.
l'adéquation avec la localisation: il est
A l'inverse, d'autres donnent des réponses
alors sous-entendu que la localisation est un
précises en fonction du pourcentage de leurs
paramètre important du niveau de vie:
clients se trouvant en dessous des lignes de
«Nous distinguons essentiellement les
pauvreté et d'extrême pauvreté (essentielle-
zones rurales et urbaines. En zone rurale,
ment en Amérique Latine) ou encore des
le crédit sera moins élevé, moins coûteux
revenus moyens quotidiens en dollars (plu-
et souvent plus long dans le temps. Nous
sieurs réponses en Ethiopie).
nous efforçons cependant de traiter tous
nos clients de la même manière, même s'il

«Si on considère le seuil extrême de faut reconnaître que le suivi est d'autant
pauvreté à 270,4 dollars américains de
plus lourd que le crédit est peu élevé.
revenu familial mensuel, notre clientèle est
Comme nous évoluons dans un environ-
composée à 84% de familles extrême-
nement à risque (le Kivu en République
ment pauvres.» (CEPESIU, Equateur). démocratique du Congo), les perspectives
de rentabilité sont fortement liées à une
Deux autres "techniques" sont utilisées:
ouverture vers des petites et moyennes
une corrélation supposée automatique
entreprises et la classe moyenne qui pour-
entre un niveau de vie bas et les catégories de
raient ainsi supporter l'activité la plus
population desservies par l'institution: le
risquée.» (PAIDEK, République Démo-
pourcentage de femmes rurales ou de jeunes
cratique du Congo)
ruraux est alors mis en avant;
un lien entre niveau de vie et le montant
les produits sont adaptés au manque de
moyen du crédit octroyé par l'institution. Un
garanties réelles que les clients peuvent offrir:
montant moyen faible avec une grande pro-
cet élément se retrouve dans différentes
portion de ce type d'opérations dans le por-
contributions, notamment celle de PRODIA
tefeuille global induit une mesure indirecte
au Burkina Faso et de la CAPPED au Congo
du niveau socio-économique des clients.
Brazzaville.

Page 6
«Vu le niveau socio-économique des cause des problèmes de durabilité. Si nous
bénéficiaires, la seule garantie demandée
sommes parvenus à continuer à fonction-
est celle du groupe solidaire. Nous avons
ner tout en maintenant une activité vers le
une méthodologie basée sur la graduation
secteur risqué de la micro entreprise, c'est
Zoom
des crédits en fonction des cycles. Lors du
grâce à certains subsides nationaux et
premier cycle, on démarre à 30 et il est internationaux»
ensuite possible de monter jusqu'au maxi-
mum autorisé par la banque nationale

La proximité est également souvent évo-
pour des opérations de micro crédit:
quée comme une manière de s'adapter: le
500 . 30% de nos clients sont déjà par- réseau des MC2 au Cameroun parle ainsi de
venus à ce seuil autorisé...». (AVFS, coller aux réalités locales que ce soit pour les
microfinance Ethiopie)
jours d'ouverture des caisses (en fonction en
particulier des marchés) ou par l'intégration
le BINUM tontine, système financier
dans le dspositif d'un conseil des Sages qui
décentralisé mis en place par une organisa-
intègre les valeurs socio-culturelles locales.
tion paysanne régionale au Cameroun et la
MIDE insiste sur l'écoute nécessaire des
coopérative CREDIFLORIDA qui dessert
attentes des clientes: des ateliers avec des
des petits producteurs de café au Pérou
groupes de bénéficiaires ont lieu régulièr-
introduisent deux autres dimensions: la pré-
ment pour s'adapter à leurs attentes.
occupation de proposer un taux d'intérêt qui
CONFIANZA et RONDESA (Pérou) met-
soit en concordance avec la rentabilité atten-
tent l'accent sur la nécessité d'avoir une com-
due de certaines opérations agricoles et celle
munication simple et claire avec une clientèle
d'offrir un service souple et rapide limitant
essentiellement rurale.
ainsi le coût d'opportunité pour les
membres. FADES (Bolivie) insiste également
Et enfin, il faut tout de même retenir que
sur la flexibilité dont il faut faire preuve face
certaines institutions de micro finance regar-
à clients qui subissent un certain nombre de
dent également dans leur "jardin": le main-
chocs liés à des facteurs sur lesquels ils n'ont
tien au plus bas des coûts fixes (coopérative
pas de contrôle. Au Pérou, MIDE va plus
MAQUITA, Equateur) et le fait de ne pas
loin: les zones socio-économiquement les
avoir une infrastructure trop sophistiquée
plus déprimées bénéficient d'une discrimina-
(RONDESA, Pérou) sont mentionnés
tion positive avec un taux d'intérêt préféren-
comme des facteurs d'adaptation au niveau
tiel.
de vie des clients.
SOINTRAL parle d'une approche
í Après la "réussite"
humaine qui constitue certes un élément
Quelle attitude les IMF adoptent-elles à
positif mais qui entraîne à sont tour d'im-
l'égard des clients qui réussissent à s'extraire
portantes contraintes:
de la pauvreté?
«Nos produits sont adaptés en termes
de montants et de durée. Nous faisons
Le panel est pratiquement divisé en deux
attention à la récupération des crédits:
"camps" opposés:
celle-ci est flexible et nous faisons preuve
de patience en raison de la vulénrabilité de

les partisans de l'"upgrading": ils permet-
nos clients. Nous investissons finalement
tent le passage de leurs "bons" clients vers
beaucoup de temps dans des décisions de
des institutions aux capacités financières
prêts de 500 dollars. D'un certain point de
plus adaptées comme les banques classiques;
vue, nous sommes sans doute totalement
les promoteurs de l'accompagnement de
inefficients. Cette approche humaine nous
la croissance de leurs clients: leur intention

Page 7
est plutôt de fidéliser les clients; "garder
Ceci étant précisé, la tendance générale des
ceux-ci est plus économique que d'aller en
réponses valide l'affirmation qu'il y a une
chercher de nouveaux" (DECSI, Ethiopie).
demande importante de service micro finan-
«Nous avons la volonté de trouver ciers de la part des catégories de population
une solution pour que les gros clients
vivant dans des conditions de grande pau-
n'échappent pas au réseau» (CAVECA, vreté et qu'il est possible, malgré les coûts et
Zoom
Bénin).
les risques plus élevés que cela entraîne, de
répondre à cette demande.
«Un concept clé chez nous est de cap-
ter des clients et non des crédits. L'octroi
«Le marché existe. Jusqu'à présent,
des crédits croit donc graduellement: on
nous ne touchons que 2% des commu-
commence petit pour connaître la solva-
nautés paysannes de notre environne-
bilité morale du client et renforcer la cul-
ment. Les très faibles transactions que
microfinance
ture du crédit. Pour renforcer la relation
nous réalisons engendrent des coûts élevés
entre l'entreprise et le client, nous avons
mais notre coopérative continuera dans
créé un prix du meilleur client: il s'agit de
son option politique de délivrer des ser-
récompenser les clients qui réussissent et
vices financiers à des communautés défi-
font preuve d'initiative»(CONFIANZA, nies comme extrêmement pauvres par les
Pérou)

autorités nationales» (Coopérative LOS
ANDES, Pérou).

«Notre stratégie est d'appuyer la
croissance avec une gamme de produits
Un certain nombre de conditions doivent
différenciés en fonction des besoins.
cependant être remplies:
Parallèlement, nous cherchons également
à promouvoir l'amélioration de la ges-

comme dans l'article de l'ADB, la diversi-
tion»(PROEMPRESA, Pérou)
fication du risque en travaillant avec des
catégories socio-économiques différentes
d'autres idées émergent également de
revient fréquemment;
cette question: de la part des IMF éthio-
le besoin d'une certaine forme de subsi-
piennes, l'idée que les clients qui se dévelop-
diation pour aller vers les plus pauvres est
pent vont nécessiter des services plus pointus
mentionné également: il est intéressant de
en matière de marketing et de gestion de la
constater que l'on ne parle pas nécessaire-
qualité de leur production; dans le cas des
ment ici de subsides externes mais également
MC2 au Cameroun, l'articulation possible
de subsides internes à l'institution de micro
avec un fonds de capital risque pour micro
finance, notamment par la mise en place de
entreprises (le MIT Fund); chez RONDESA
systèmes de discrimination positive en
au Pérou, le fait de voir les membres à suc-
faveur de zones plus défavorisées;
cès comme des alliés qui vont attirer de nou-
différentes réponses mettent l'accent sur
veaux associé dans leur entourage.
la question de la proximité nécessaire entre
les institutions de microfinance et les clients;
les efforts que l'institution elle-même doit
Pour conclure
réaliser pour améliorer son efficience sont
également signalés comme une condition
Les institutions de micro finance interrogées
pour renforcer le segment des plus pauvres
n'utilisent pas systématiquement le seuil de
dans la clientèle et par là-même réussir à
pauvreté comme outil de mesure du niveau
concilier l'accès au financement pour les plus
de vie de leurs clientèle; une grande diversité
pauvres avec la pérennité des services.
d'outils existe.

Page 8
Il n'en reste pas moins que la diversité des
Sur ce sujet éminemment d'actualité, Zoom
approches et des réponses révèle également
microfinance attend vos commentaires et
le fait qu'il n'existe pas un modèle applicable
contributions, que ce soit au départ de votre
en toutes circonstances. Par contre, le poten-
expérience ou de vos réflexions. Ceux-ci
Zoom
tiel d'échanges et de débats sur les questions
seront mis en ligne sur le site internet de
de luttes contre la pauvreté reste bel et bien
SOS Faim, à la suite de ce numéro de Zoom
présent.
microfinance.
Ce numéro de Zoom microfinance, réalisé par Marc Mees, responsable du Service Appui
Partenaires à SOS Faim Belgique et Luxembourg (mme@sosfaim.be), a bénéficié de l'expé-
microfinance rience des responsables des institutions suivantes, partenaires de SOS Faim:
Caveca (Bénin), Fades (Bolivie), Prodia (Burkina Faso), Binum et Adaf-Mc2 (Cameroun),
Sointral (Chili), Capped (Congo), Cepesiu et Maquita (Equateur), Avfs, Decsi, Buusa Gonoofa
et SFPI (Ethiopie), Los Andes, Rondesa, Crediflorida, Proempresa, Fondesurco, Mide et
Confianza (Pérou), Paidek (RDC), Fongs (Sénégal).
Qu'ils soient remerciés pour leurs contributions et qu'ils n'hésitent pas à éventuellement com-
pléter et prolonger ces réflexions.
SOS Faim et la microfinance
SOS Faim travaille depuis de nombreuses années dans le domaine de la microfinance et
appuie les démarches de partenaires engagés dans ce secteur en Afrique et en Amérique
latine. Comme tout outil de développement, la microfinance doit être interrogée dans ses
finalités, ses modalités et ses conditions de mise en oeuvre. C'est dans cet esprit que SOS Faim
publie notamment "Zoom microfinance". Vous pouvez retrouver cette publication, en ver-
sion téléchargeable en français, anglais et espagnol, sur le site internet de SOS Faim Belgique:
www.sosfaim.be
Les derniers numéros de Zoom microfinance ont concerné:
í les études d'impact ­ Zoom microfinance n°8 et n°11
í les politiques de taux d'intérêt ­ Zoom microfinance n°9
í les crédits d'investissement ­ Zoom microfinance n°10
í les expériences de microfinance en zone de conflits ­ Zoom microfinance n°12.
SOS Faim ­ Action pour le développement
Rue aux Laines, 4 ­ B 1000 Bruxelles ­ Belgique
Tél : 32-(0)2-511.22.38 ­ Fax : 32-(0)2-514.47.77
E-mail : info@sosfaim.be ­ Site internet : www.sosfaim.be
SOS Faim ­ Action pour le développement
Résidence "Um Deich" bloc C, 9 rue du Canal
L - 4050 Esch-sur-Alzette ­ Grand Duché du Luxembourg
eddy Destrait, rue aux Laines 4, B 1000 Bruxelles
Tél : 352-49.09.96 ­ Fax : 352-26.48.09.01
E-mail : info@sosfaim.org ­ Site internet : www.sosfaim.org
"Zoom microfinance" est réalisé avec le soutien de la Direction Générale de la Coopération internationale
esponsable: Fr
de Belgique et le ministère des Affaires étrangères luxembourgeois.
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