Depuis la mi-2023 l’IRED accompagne, grâce au soutien des communes genevoises et de la Confédération, via la Fédération genevoise de coopération, les caféiculteurs/trices du Burundi. Un projet d’appui de trois années et une contribution de CHF 500,000, doit permettre à 10 coopératives de producteurs, membres du Consortium des coopératives de café (Cococa) de remplir toutes les conditions d’une certification organique de leur café. Les certifications permettent d’obtenir un prix au producteur bien supérieur au café non- organique. Cette meilleure rémunération des producteurs et productrices participent à l’amélioration des conditions de vie des familles paysannes et la réduction de la pauvreté matérielle au Burundi. Le projet permet au Cococa de renforcer son appui technique aux coopératives afin de remplir et si nécessaire corriger les non-conformités des certifications instruites par les labels de certification. Ces labels sont au nombre de trois : RainForest Alliance, FairTrade et Café organique. Chaque coopérative peut être au bénéfice d’un ou de plusieurs labels. La formation et le suivi des coopérateurs/trices ainsi que des investissements dans l’amélioration des stations de lavage du café permettent de renforcer les capacités des coopératives à assurer le respect des certifications organiques de la production caféicole. Cette action permet également de renforcer la voix et le poids des coopératives de café dans les orientations agricoles du pays.
Le Cococa, fondé en 2012, réunit 36 coopératives et exporte 15 % de la production du pays. Elle possède sa propre usine de déparchage pour la production des grains de café vert dénommé Horamama Coffee Dry Mill. Le Burundi produit environ 10,000 tonnes de café vert par année, en baisse continue depuis de nombreuses années. La Suisse importe environ 5 pour cent du café exporté par le Burundi. Plus de 80 pour cent de la population de 12 millions d’habitants vit et travaille en milieu rural et paysan dont les deux-tiers ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté.
Les deux chambres du Parlement suisse ont décidé à la mi-décembre 2024 de réduire les crédits de la coopération au développement suisse pour les années 2025-28. Les crédits de l’aide au développement et de l’aide humanitaire à l’Ukraine sont réduits de 351 millions de francs suisses sur la période, soit une baisse d’environ un cinquième.
Le Parlement a décidé d’allouer ces crédits au financement de l’armée suisse. Cette mauvaise décision est une grande erreur. Elle est dénoncée par les représentants des associations et institutions de la société civile engagées dans la solidarité internationale, dont l’IRED. Andreas Missbach, Directeur de Alliance Sud affirme : « Le Parlement a perdu sa boussole humanitaire. »
Cette décision parlementaire est une bien mauvaise décision pour plusieurs raisons. Prélever des crédits destinés à la coopération au développement des populations pauvres dans les pays pauvres et les destiner au financement de l’armement de l’armée suisse offre une image désastreuse des priorités de la Suisse dans un monde bousculé par de nombreuses tragédies humanitaires. La tradition humaniste et humanitaire suisse est fissurée.
Que les parlementaires s’inquiètent de la qualité de l’armement suisse peut se comprendre. Mais la Suisse est un pays riche, avec suffisamment de ressources pour financer et son armée et une coopération au développement ambitieuse qui souvent honore son pays. Le revenu par habitant en Suisse était près de 400 fois plus élevé en 2023 que celui du Burundi par exemple. Et le revenu moyen en Suisse a progressé de 3,5 pour cent par an sur les cinq dernières années. Une telle progression ne se vérifie pas pour nombre de pays pauvres.
De nombreuses entreprises suisses qui génèrent des richesses ont une projection mondiale et s’inscrivent dans les déséquilibres mondiaux qui expliquent une grande partie des défis auxquels se heurtent les pays pauvres. La Suisse a aussi besoin des pays pauvres pour atteindre ses objectifs climat. L’économie mondialisée enserre la Suisse dans ses multiples toiles. Une coopération au développement ambitieuse permet de réduire un petit peu ces déséquilibres.
La Suisse défend à juste titre une conception globale de la sécurité. Cette sécurité globale ne peut s’affranchir du sort des pays pauvres, que ce soit en terme de santé publique, de climat, de migration internationale, d’approvisionnement en divers productions, ou même de solidarité internationale dans ce qui reste après tout un seul monde. Les multiples interdépendances vont perdurer. Pour toutes ces raisons l’IRED invite instamment les parlementaires à revenir sur leur mauvaise décision. Par ailleurs l’IRED s’engage à poursuivre par tous les moyens à sa disposition son engagement pour une solidarité active avec les populations pauvres afin de leur permettre une vie meilleure de celle qu’elles connaissent aujourd’hui.
Philippe Egger Président de l’Association Innovations et Réseaux pour le Développement (IRED),