Deogratias Niyonkuru est l’une des nombreuses personnalités qui dénoncent les effets pervers de l’aide humanitaire, notamment en Afrique. Dans son livre « Pour la dignité paysanne » l’ingénieur agronome burundais détaille son travail au sein de l’asbl Adisco, primée par la Fondation Roi Baudouin en 2014. Il n’a pas peur d’y dénoncer les erreurs monumentales commises par les organisations non gouvernementales (vidéo).

« Le fruit de la prospérité se cueille sur l’arbre de l’effort », ce proverbe burundais est un peu la devise d’Adisco, l’asbl burundaise qui a fait de l’Appui au Développement Intégral et à la Solidarité sur les Collines, son mantra depuis plus de dix ans. « Ce n’est pas avec la gratuité que le pays va se développer mais grâce à des hommes et des femmes qui unissent leurs efforts. »
Deogratias Niyonkuru est l’une des nombreuses personnalités qui dénoncent les effets pervers de l’aide humanitaire, notamment en Afrique. « L’aide humanitaire déconstruit les tissus sociaux, pousse à l’assistanat et, au final, détruit la dignité humaine. C’est ce que nous avons pu constater au Sud Kivu (RDC) et au Burundi. »

Il y a tout juste un an, en janvier 2018, était publié le livre du Burundais, lauréat du Prix de la Fondation Roi Baudoin pour le développement en Afrique. Longtemps résident en RDC, Deogratias Niyonkuru est revenu s’établir en 2006 dans le Petit pays si bien décrit par Gaël Faye. Dans son livre Pour la dignité paysanne, M. Niyonkuru rapporte les témoignages des paysans burundais luttant pour ramener la beauté et la vie sur leurs collines. Ce faisant, il relate son expérience en tant qu’ingénieur agronome au sein de l’association Adisco qui encadre, aujourd’hui, 40 000 paysans au Burundi.

Des populations infantilisées et sans projets d’avenir

Pour Deogratias Niyonkuru, la prise de conscience remonte à la mort de son père, en 2004. De retour au pays pour lui faire ses adieux, l’homme – qui travaille depuis de nombreuses années à travers toute l’Afrique -, découvre la misère profonde dans laquelle vivent certains membres de sa famille éloignée, paysans dans les collines. Ingénieur agronome de formation, il prend rapidement conscience que les aides mises en place dans le pays ne permettent pas aux habitants de redevenir autonomes.

« On s’est rendu compte qu’on était en train d’infantiliser les populations. Les cultures avaient été mises à mal à cause des guerres et de la pauvreté et on avait l’impression qu’une nouvelle façon de vivre s’installait dans le pays qui consistait à attendre que passent les camions du Pam (Programme alimentaire mondial, Ndlr) pour se nourrir, à attendre la gratuité dans les centres de santé pour se soigner et la distribution gratuite de semences pour se mettre à planter. Et donc, les gens ne conservaient plus les semences traditionnellement cultivées sur leurs terres. On en arrivait à un niveau tel que les services de développement détruisaient ce qu’il y a de plus de fondamental chez l’homme : la dignité et l’estime de soi. Mais aussi le fait de pouvoir se projeter sur les deux ou trois années à venir. »


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